Catastrophe naturelle dans les Alpes-Maritimes : comment la préfecture a mobilisé les habitant·es pour repenser l’avenir des vallées Purpoz

En octobre 2020, la tempête Alex provoque une catastrophe naturelle sans précédent dans les Alpes-Maritimes. Face à cette urgence, la préfecture des Alpes-Maritimes a lancé une concertation citoyenne d’envergure pour repenser l’avenir des vallées avec la participation des habitant·es. Via la plateforme Purpoz, 1 421 participant·es ont co-construit l’avenir de leur territoire. Retour sur une expérience démocratique qui prouve que les concertations citoyennes peuvent transformer des territoires sinistrés.
Une catastrophe naturelle sans précédent depuis 1945
Le 2 octobre 2020, la tempête Alex s’abat sur les vallées de la Roya, de la Vésubie, de la Tinée et du Moyen-Var. Le bilan est lourd : 10 mort·es, 8 disparu·es, des villages entiers dévastés, des routes et des ponts emportés par les eaux.
Face à cette urgence, une question s’impose rapidement à la préfecture des Alpes-Maritimes : faut-il simplement reconstruire à l’identique, ou saisir cette opportunité pour repenser le développement de ces territoires de manière plus résiliente et durable ?
C’est cette seconde voie que choisit la Ppréfecture : associer les habitant·es et les maires à la reconstruction après cette catastrophe naturelle à travers une démarche innovante de concertation citoyenne.
Organisée par le Préfet délégué de la préfecture des Alpes-Maritimes, Xavier Pelletier, chargé de la reconstruction des vallées, la consultation s’est tenue en ligne sur Purpoz et en présentiel, du 10 janvier au 10 mars 2022.
Comment la préfecture a organisé la reconstruction grâce à la participation citoyenne ?
En 2022, la préfecture des Alpes-Maritimes, avec l’appui de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), a lancé une concertation ambitieuse pour reconstruire après la catastrophe naturelle.
L’objectif ? Faire émerger des projets de territoire qui accompagnent et valorisent les dynamiques locales autour de quatre thématiques prioritaires :
- Vivre dans les vallées : habitat, accès aux services, solidarité intergénérationnelle
- Se déplacer autrement : mobilités douces, transports en commun, désenclavement
- Prendre en compte son environnement naturel : gestion des risques, préservation du patrimoine
- Renforcer l’attractivité territoriale : économie locale, agriculture, tourisme responsable
Cette approche participative de reconstruction repose sur une conviction forte de la préfecture : les habitant·es possèdent une expertise terrain. Ils·elles connaissent intimement leur territoire, ses forces et ses fragilités. Leurs propositions doivent donc être au cœur du processus de décision pour reconstruire après la catastrophe naturelle.
Un dispositif complet et accessible mis en place par la préfecture
Pour organiser cette consultation à grande échelle, la préfecture des Alpes-Maritimes fait appel à Purpoz, la plateforme mutualisée de participation citoyenne.
Les habitant·es avaient accès à quatre espaces d’interaction complémentaires, garantissant une participation complète et accessible à tous·tes :
- La consultation : les habitant·es pouvaient réagir aux différents enjeux identifiés à partir du diagnostic établi par la préfecture en prenant en compte les contributions de nombreux·ses acteur·ices du territoire (services de l’État, opérateurs et établissements publics, collectivités). Ils et elles pouvaient enrichir ces constats, faire des propositions et voter pour celles qu’ils et elles souhaitaient soutenir.
- L’appel à projets : un espace dédié permettait de déposer des projets concrets pour l’avenir des vallées après la catastrophe naturelle.
- Le Questions/Réponses : un temps pour poser toutes les questions sur la concertation, les enjeux, les thématiques retenues, ou poser des questions plus personnelles. Le Préfet et son équipe se sont engagés à répondre à chacune d’entre elles.
- Le débat : un espace pour répondre à la question « Imaginez-vous encore un avenir pour vos vallées ? » et partager sa vision de la reconstruction.
Cette diversité de modules de participation a permis à chaque habitant·e de s’exprimer selon ses préférences, favorisant ainsi une participation citoyenne large et inclusive dans le processus de reconstruction post-catastrophe.
Découvrez le projet participatif complet sur Purpoz.
Des ateliers présentiels orchestrés par la préfecture dans chaque vallée
Pour garantir l’inclusion de tous·tes les habitant·es après cette catastrophe naturelle, la préfecture a organisé 13 journées d’ateliers présentiels directement dans les vallées sinistrées. Cette complémentarité entre participation numérique et rencontres physiques a permis de toucher tous les profils, y compris les personnes moins à l’aise avec les outils digitaux.
Une méthodologie en trois phases pensée par la préfecture :
- Phase de diagnostic : comprendre collectivement l’ampleur de la catastrophe naturelle et ses impacts sur le territoire
- Phase prospective : imaginer l’avenir de la reconstruction avec des ateliers distincts pour les maires et les habitant·es, selon des méthodes adaptées mais convergentes
- Phase de synthèse : réunir élu·es et citoyen·nes pour consolider et prioriser ensemble les projets structurants de reconstruction
L’objectif était clair : permettre aux habitant·es de dépasser leurs situations personnelles pour construire une vision collective de la reconstruction. Cette méthodologie participative a favorisé l’émergence de projets véritablement prospectifs et partagés, essentiels pour rebâtir des vallées résilientes après la catastrophe naturelle.
Des résultats qui dépassent toutes les attentes
Les chiffres parlent d’eux-mêmes et témoignent du fort engagement des habitant·es dans cette reconstruction participative :
- 1 421 participant·es se sont inscrit·es sur la plateforme
- 534 contributions écrites ont été déposées
- 173 projets ont été proposés par les citoyen·nes
- 7 873 votes ont été exprimés
- Près de 10% de participation à l’échelle des vallées, bien au-dessus de la moyenne nationale pour ce type de démarche
Le 28 février 2022, un atelier conclusif organisé par la préfecture réunit représentant·es des habitant·es et maires, en présence de Marc Fesneau, Ministre chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
Cette rencontre permet de faire converger les priorités citoyennes et les stratégies des élu·es autour d’axes partagés par vallées et par thématiques pour la reconstruction.
Découvrez les résultats de la concertation sur le site dédié de la préfecture.
De la consultation à l’action : 50 millions d’euros pour concrétiser les projets
Cette concertation n’est pas qu’un exercice de consultation. L’État s’est engagé à donner des suites concrètes aux résultats de la participation citoyenne pour reconstruire après la catastrophe naturelle :
- Un comité technique « Avenir des vallées », regroupant l’État et les collectivités territoriales sous la coordination de la préfecture, analyse les contributions et identifie les projets prioritaires. En avril, un Comité de sélection est créé pour évaluer chaque projet selon des critères précis.
- Un engagement financier pour la reconstruction : l’État a débloqué une enveloppe de 50 millions d’euros pour cofinancer (jusqu’à 50%) les projets portés par les collectivités territoriales. Une partie de cette enveloppe est spécifiquement réservée au financement de projets collectivement élaborés par les habitant·es et soutenus par les élu·es.
À ce jour, une quinzaine de projets ont été présentés au comité de sélection de la préfecture et six ont été approuvés.
Un territoire qui inspire
Cette concertation post-catastrophe naturelle organisée par la préfecture des Alpes-Maritimes constitue un modèle inspirant pour d’autres territoires confrontés à des crises climatiques ou à des enjeux de transition.
En mêlant étroitement le regard d’experts nationaux avec celui d’acteurs locaux et de citoyens engagés, cette démarche portée par la préfecture des Alpes-Maritimes raconte de multiples possibles partagés. Elle dessine le récit d’un autre modèle de territoire, plus résilient et plus solidaire face aux catastrophes naturelles.
Que ce qui s’est passé dans les vallées des Alpes-Maritimes puisse inspirer d’autres mobilisations pour reconstruire après une catastrophe naturelle, c’est toute l’ambition de cette expérience démocratique.
La participation citoyenne n’est pas qu’un idéal théorique. Quand elle est bien conçue par les autorités publiques comme la préfecture, outillée et suivie d’effets concrets, elle devient un levier puissant de reconstruction et de transformation territoriale après une catastrophe naturelle. Les vallées des Alpes-Maritimes en sont la preuve.